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Le Tarin des aulnes (Spinus spinus) dans le Nord-est du Sahara algérien

This note presents unusual observations of the Eurasian Siskin in the North-East of the Algerian Sahara, specifically in the palm city of Ouargla, where the species is observed in winter 2017/2018. In the Algerian Sahara, the species is rarely observed except the following few records: at El Goléa and Ghardaïa oases palms in winter 1976 and recently at Biskra in 2012 (see figure a). We suggest some hypotheses …

Par Khaled Amrani, ingénieur en agronomie saharienne, université de Ouargla (Algérie), doctorant en aménagement, université Grenoble-Alpes (France), CNRS, Science Po Grenoble, laboratoire Pacte Territoires. khaled.amrani@umrpacte.fr

Citation suggérée :

Amrani, K. 2019. Le Tarin des aulnes (Spinus spinus) dans le Nord-est du Sahara algérien. MaghrebOrnitho, https://magornitho.org/2019/09/tarin-des-aulnes-sahara-algerien/

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Les observations sont réalisées entre décembre 2017 et février 2018 à Ouargla, dans le Sahara algérien. Elles concernent une dizaine d’individus grégaires hivernants, mâles et femelles, répartis selon le calendrier suivant : un individu le 3/12/2017 à 17h00, deux individus le 6/12/2017 à 13h00 (un mâle et une femelle, photo 1), un individu le 7/12/2017 à 8h30 (une femelle, photo 2), trois individus le 3/02/2018 et huit individus le 11/02/2018.

Tarin des aulnes s’alimentant de graines de tournesol à Ouargla, dans le Sahara algérien / Eurasian Siskins feeding on sunflower seeds at Ouargla, Algerian Sahara
Photo 1: Tarin des aulnes (Spinus spinus), mâle et femelle s’alimentant de graines de tournesol à Ouargla, dans le Sahara algérien (Photo: Kh. Amrani).
Male and female Eurasian Siskins feeding on sunflower seeds at Ouargla, Algerian Sahara.
Tarin des aulnes au milieu des tournesols à Ouargla, dans le Sahara algérien / Eurasian Siskin in the middle of sunflowers at Ouargla, Algerian Sahara
Photo 2: Tarin des aulnes (Spinus spinus) femelle au milieu des tournesols à Ouargla, dans le Sahara algérien (Photo: Kh. Amrani).
Female Eurasian Siskin in the middle of sunflowers at Ouargla, Algerian Sahara.

Les signalements de l’espèce dans le Sahara algérien remontent à 1976 avec quelques individus observés le 26 janvier à Ghardaïa et le 27 janvier à El Goléa (Burnier, 1979 in Ledant et al, 1981, p 381 ; Isenmann et Moali, 2000, p301). Plus récemment, le Tarin des aulnes est signalé à Biskra comme hivernant (Farhi et Belhamra, 2012). Cette présence saharienne permet-elle de supposer une provenance des pineraies et des aulnaies du parc national d’El Kala, à l’Est de l’Algérie ? L’espèce n’est pourtant pas signalée malgré la présence de l’habitat propice (Benyacoub et Chabi, 2000). Dans la figure (a), nous représentons la répartition spatio-temporelle du Tarin des aulnes afin d’esquisser quelques éléments éthologiques sous forme d’hypothèses.

Répartition spatio-temporelle du Tarin des aulnes en Algérie / Spatio-temporal distribution of Eurasian Siskin in Algeria.
Figure a: Répartition spatio-temporelle du Tarin des aulnes (Spinus spinus) en Algérie /
Spatio-temporal distribution of Eurasian Siskin in Algeria.

Les observations semblent disparates dans le temps. Elles correspondent à une présence variable selon les années (Isenmann et Moali, 2000), mais aussi, selon la fréquence d’observation : aucun signalement de l’espèce entre 1985 et 2012.

La présence printanière du Tarin des aulnes est localisée dans l’algérois et à l’Est, à Skikda, durant les mois de mars, avril et mai entre 1959 et 1978. Ces 20 ans d’observations pourraient confirmer la possible nidification de l’espèce, comparée aux données bibliographiques (note 1), dans les résineux de la forêt de Baïnem à Alger, les abords du lac de Réghaïa, l’arrière-pays de Dellys et les denses peuplements ripisylves à l’Est du pays sur une bande allant de Jijel à El Tarf. Cependant, dans les cas de reproduction inhabituelle constatés en France, en dehors des habitats montagnards connus de l’espèce, en Maine-et-Loire (Beslot et Courant, 2010), sont considérés comme indice irréfutable de reproduction, les observations du mois de juillet qui correspondent à une deuxième nichée confirmant le statut de nicheur de l’espèce (Muller 1997 in Beslot  et Courant, 2010). En Isère, dans les Alpes françaises, le Tarin des aulnes est de retour sur son site de nidification dès le mois de mars, pour y demeurer jusqu’en septembre (CORA-LPO, 2009). Durant le période de reproduction, selon Snow et Perrin (1998), le Tarin est une espèce boréale adepte des formations climaciques résineuses avec un isotherme de 13°C pour le mois de juillet. La lecture croisée de ces informations annihile les possibilités de nidification de l’espèce sous un climat méditerranéen, excepté, sous conditions de confirmation, le massif du Djurdjura en Kabylie (au Nord de l’Algérie), disposant d’un étage alpin avec des essences résineuses (altitude culminant à 2300 m) (note 2).

Quant aux hivernants, l’hypothèse avancée concerne des individus en provenance des aires de nidification potentiels ou de populations « étrangères » qui cohabiteraient avec des individus nicheurs, sédentaires ou de passage. En effet, bien que la répartition de l’espèce semble être liée à son écologie trophique, à savoir une prédilection envers les graines de résineux (MEEDAT-MNHN), sa présence au Sahara est probablement liée à des populations migratrices, boréales pour la plupart mais également des massifs montagneux tels que l’arc alpin, le massif central (en France), les Pyrénées, les Balkans et le Caucase (Cramp, 1994),  dont le comportement reste encore mal connu. La cohabitation hypothétique supposée, renverrait à l’existence de métapopulation. Selmi (2003) aborde ce concept pour expliquer la répartition du Merle noir (Turdus merula) dans les oasis de Tunisie.

L’avifaune saharienne est encore méconnue

Au terme de cette note, il convient de signaler que l’avifaune saharienne reste encore méconnue en Algérie faute de suivis réguliers dans le temps et dans l’espace. En effet, hormis des publications ponctuelles plutôt conjoncturelles, d’articles universitaires qui dans de nombreux cas de figure permettent, néanmoins, des observations originales, cas de la nidification du Fuligule nyroca (Aythya nyroca) de l’Échasse blanche (Himantopus himantopus) à El Goléa ou encore du Merle noir à Biskra (Boumezbeur et al, 2005 ; Adamou et al, 2014), il n’existe pas en Algérie des organismes ornithologiques équivalents à la ‘Ligue pour la Protection des Oiseaux’ (LPO) en France, au ‘Groupe Ornithologique du Maroc’ (GOMAC) au Maroc ou à l’Association ‘Les Amis des Oiseaux’ (AAO) en Tunisie (note 3).

Par ailleurs, il convient de signaler un point d’une importance capitale, une contrainte « socio-territoriale ». Le matériel d’optique, indispensable pour les observations telles que les jumelles et longues vues, sont mal perçues par les autorités qui y voient des mauvaises intentions d’observations non autorisées de sites sensibles (note 4). Cette situation n’est pas singulière à l’Algérie. En Slovénie, par exemple, selon Podjed (2013), le même comportement des autorités est constaté durant les années 1960 et 70, pays alors « annexé » à la Yougoslavie socialiste : « Tout ornithologue qui observait des oiseaux à proximité d’une usine ou d’une foutue caserne était considéré comme un espion potentiel… Les conséquences les plus graves pouvaient être d’ordre sociopolitique. Quiconque s’occupait de la conservation de marais ou d’un ancien verger était considéré comme un adversaire du développement socialiste (Geister, 2008 : 38 ; Trontelj, 1999 : 1,  in Podjed, 2013». Les observations qui se font au grès des autorisations sélectives (chercheurs universitaires) compliquent d’avantage l’apport d’éventuels amateurs ou passionnés souvent plus présent sur terrain et donc disposant certainement de plus d’informations ornithologiques.  Au regard de la contrainte de terrain évoquée, la mise en place d’un programme d’observations officielles, dans le cadre d’un éventuel projet d’envergure international de mise à jour de l’avifaune, pourrait faciliter la perception de l’intérêt de l’ornithologie en terme d’apport scientifique.

Notes:

  1. Le Tarin des aulnes se reproduit  1 à 2 fois par an entre mai et juillet. Nous avons recensé deux observations en mai 1978 dans l’algérois qui pourraient correspondre à de possibles cas de nidification (cf figure a).
  2. Nous avons constaté la présence du Chocard à bec jaune (Pyrrhocorax graculus), un groupe d’une dizaine d’individus, à Tikjda, en Kabylie (Algérie) en été 2013.
  3. L’Association Nationale Algérienne d’Ornithologie (ANAO) a été crée lors du 2ème colloque international sur l’Ornithologie Algérienne à l’Aube du 3ème Millénaire qui s’est tenu les 17, 18 et 19 novembre 2012 à l’Université Larbi Ben M’hidi de Oum El-Bouagh en Algérie. Nous n’avons pas pu trouver des références bibliographiques de leurs travaux.
  4. En 2012, ma paire de jumelles fut saisie par la douane à l’aéroport d’Alger jusqu’à mon retour à Grenoble, 15 jours après.

Bibliographie

Adamou A.E., Tabibe R., Kouidri M., Ouakid M.L. & Houhamdi  M. 2014. Phénologie de la reproduction du Merle noir Turdus merula dans une oasis septentrionale de l’Algérie. Alauda 82: 193-200.

Benyacoub S. & Chabi Y. 2000. Diagnose écologique de l’avifaune du parc national d’El Kala. Revue Synthèse, n° 7, 98 p.

Beslot E. & Courant S. 2010. Observation inhabituelle du Tarin des aulnes Carduelis spinus en Maine-et-Loire : premier cas possible de reproduction. Crex 11: 67-68.

Boumezbeur A., Isenmann P. & Moali A. 2005. Nidification du Fuligule nyroca (Aythya nyroca) et de l’Échasse blanche (Himantopus himantopus) en zone saharienne (El Goléa, Algérie). Alauda 73: 143-144.

Burnier E. 1979. Notes sur l’ornithologie algérienne. Alauda 47: 93-102.

CORA-LPO, 2009. Le carnet ornitho. Aide à la prospection des oiseaux nicheurs de Rhône-Alpes, Ed CORA-LPO, 223 p.

Cramp S. 1994. Handbook of the birds of Europe, the Middle East and North Africa. The birds of the Western Palearctic. Volume VIII, Crows to Finches. Oxford University Press, Oxford: 587-604.

Farhi Y. & Belhamra M. 2012. Typologie et structure de l’avifaune des Ziban (Biskra, Algerie). Courrier du Savoir N°13 (avril 2012): 127-136.

Isenmann P. & Moali A. 2000. Oiseaux d’Algérie / Birds of Algeria. SEOF, Paris. 336 p.

Ledant J.P., Jacob J.P., Jacobs J., Malher F., Ochando B. & Roché J. 1981. Mise à jour de l’avifaune algérienne. Le Gerfaut 71: 295-398.

MEEDDAT – MNHN (non daté). Cahier d’Habitat « Oiseaux », Fiche projet Tarin des Aulnes, 4 p.

Muller Y. 1997. Les oiseaux de la réserve de la biosphère des Vosges du Nord. Ciconia 21: 1-347.

Podjed D. 2013. De l’observation à la protection des oiseaux. Le tournant vers la protection de la nature chez les ornithologues amateurs slovènes. Revue d’Anthropologie des Connaissances 7 (2) : 461-483.

Selmi S.E., Boulinier T. & Faivre B. 2003. Distribution and abundance patterns of a newly colonizing species in Tunisian oases: the Common Blackbird (Turdus merula). Ibis 145: 681–688.

Snow D.W. & Perrin C.M. 1998. The Birds of the Western Palearctic. Concics Edition. Volume 2. Passerines. Oxford University press. P 1556-1557.

6 thoughts on “Le Tarin des aulnes (Spinus spinus) dans le Nord-est du Sahara algérien”

  1. A great article to which I read with much interest.
    I have been recording bird sightings at In Salah Gas facilities in the Algerian Sahara-Tamanrasset region for several years, and I have observed Eurasian Siskin at two localities 200km and 255km south of El Goléa. Most observations were made during two winter periods with up to 10 individuals recorded between late-November 2015 and January 2016, at least 4 birds present for four days in early-November 2017, and several individuals (including up to two singing males) present at Teguentour during a brief visit that I made early-March 2018.

  2. Je vous remercie Monsieur. J’ajouterais vos observations dans la mise à jour que je compte commencer ..
    Bien cordialement

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